Date : samedi 16 octobre 2010 – Participants : 30 - Organisateurs: Urban BITZIGHOFER et Freiherr Edgar von CRAMM - Le programme (N.B. : une partie des prestations initialement retenues par les organisateurs [visite des charpentes des toitures de la cathédrale] a du être déprogrammée pour raisons de sécurité) : 14 h 30, rendez-vous près du porche monumental, au pied de la tour frontale Ouest de la cathédrale - 15 h 00, visite de l'atelier des tailleurs de pierre dans la Münsterbau Hütte (MBH), conduite et commentée par Mme Yvonne FALLER, architecte et directrice responsable de la MBH, membre du C.A. du Münsterbau Verein e/V. (= Association fribourgeoise pour l'entretien de la cathédrale), fondée en 1890 ; cette association peut être considérée comme le pendant de la Fondation de l'Œuvre Notre-Dame créée à Strasbourg en 1246 - de 17 h 30 à 18 h 30, promenade dans les pittoresques ruelles du Vieux Fribourg, tout au long des emblématiques Bächle, et ce, jusqu'au Stadtpark au Nord-Est de la cité - ballade animée par Mme Marlène PEVEC – 18 h 30, départ du Stadtpark (en funiculaire, mis en service en 2008) pour l'apéritif au Schlossberg-Restaurant DATTLER (altitude 415m), avec une splendide vue panoramique sur la ville et les environs (le Ballon de Guebwiller [1424m] n'étant qu'à une cinquantaine de km !) - à partir de 19 h 30, un repas de qualité nous y est servi dans une ambiance particulièrement conviviale.
Mme Yvonne FALLER, avant de nous emmener vers la Münsterbau Hütte, nous invite à nous arrêter un instant devant le monumental portail-porche de la tour et d'y contempler les 418 fîgures sculptées et peintes, installées entre 1275 et 1320 dans les trois registres du tympan, les archivoltes correspondantes et les façades latérales : notre guide ne manquera pas de nous faire observer que cet admirable trésor sort d'une récente (et ô combien nécessaire) restauration… après plus de quatre années de méticuleux travaux. Permettez-moi de faire une brève rétrospective historique concernant la ville de Fribourg et sa cathédrale avant de commenter les deux visites retenues au programme du jour.
1°/ La ville - Une tour ronde et quelques pans de murs, encore visibles dans un bois au-dessus du village de Zaehringen (Communauté des communes de Fribourg-en-Brisgau), voilà les maigres vestiges de la Burg qu'on dit être à l'origine de la ville de Fribourg.
Ce château - possession d'Empire - était inféodé aux comtes de Brisgau. Le puissant Berthold II, qui s'autoproclama duc de Brisgau après le décès de son père, trouva l'ancienne demeure indigne de son rang et fit construire un nouveau château, plus spacieux, sur le sommet du Schloßberg, au-dessus de la vallée de la Dreisam. S'il ne subsiste aujourd'hui de ce château que quelques rares traces, on trouve à ses pieds une ville, Fribourg, que fondèrent en 1120 Berthold III et son frère Konrad, en même temps que les villes d'Offenbourg et de Villingen. Quant à Berthold V, dernier duc de Zaehringen, il a été le fondateur des villes suisses de Berne, Berthoud et Moudon.
La prospérité acquise rapidement par Fribourg-en-Brisgau - favorisée par ailleurs par une situation géographique privilégiée, d'anciens points d'intersection de circuits commerciaux, des richesses minières très importantes et un marché vinicole particulièrement florissant - permettra aux citoyens de cette cité de procéder dès 1200 à la construction d'une nouvelle église paroissiale du plus pur style roman (dédiée à Saint-Nicolas) sur le modèle de l'église du Bâle, puis vers le milieu du XIIIe siècle à l'édification de l'actuel Munster (de style gothique) dédié à Notre-Dame, avec sa tour unique réputée « pour être la plus belle de la chrétienté. » Le chœur de ce bel édifice a été consacré en 1513 par l'évêque Hugo de Constance.
À la mort, en 1218, du dernier duc de Zaehringen, ce sont les comtes d'Urach (s'intitulant très bientôt « comtes de Fribourg ») qui hériteront de la succession ; les Fribourgeois, devenus dans l'intervalle conscients de leur prestige et après une succession de profonds désaccords, paieront 15 000 marks d'argent à leur seigneur, le comte Egino III (qu'ils n'aimaient d'ailleurs guère) et iront jusqu'à brûler son château sur le Schloßberg. Ils se libèreront ainsi volontairement de sa tutelle pour se placer sous la souveraineté de la Maison des Habsbourg. L'université de Fribourg - avec ses 15 facultés - est fondée en 1457 par l'archiduc Albert IV d'Autriche. Fribourg restera autrichienne (Autriche antérieure) jusqu'en 1805, hormis quelques interruptions au cours des différentes belligérances opposant la Maison des Habsbourg à la Monarchie française : c'est ainsi, par exemple, que, lors de l'occupation de Fribourg en 1677 par Louis XIV, la ville sera transformée en forteresse par Sébastien de Vauban avec l'aménagement de 11 fortifications en ceinture autour de la ville en y incluant l'ancien château [détruit] du Schloßberg, « refortifié » pour la circonstance. En 1745, les fortifications de la ville et du Schloßberg sont à nouveau démolies après que Fribourg soit redevenue autrichienne. En 1805, Fribourg et le Brisgau font partie intégrante du Grand-Duché de Bade créé par Napoléon Ier. En 1827, le Munster de Fribourg devient siège épiscopal. Au cours de la Deuxième Guerre Mondiale, le 27 novembre 1944, un bombardement allié détruit en totalité le centre-ville de Fribourg… à l'exception de la cathédrale, provoquant la mort de plus de 3300 personnes. Aujourd'hui Fribourg compte près de 220 000 habitants. Elle est jumelée depuis 1959 avec Besançon, la capitale de la Franche-Comté.
2°/ La cathédrale. Au centre de Fribourg - et cela dans tous les sens du terme - il y a la cathédrale. Depuis près de 900 ans, la vie de la cité tourne autour du « Unser Liben Frowen Bauw »
La tour haute de 116 m - avec sa splendide flèche ajourée - dépasse toujours les autres bâtiments de la ville : c'est d'ailleurs l'un des rares clochers de ce style (gothique flamboyant) dont la construction fut achevée au Moyen-Âge. L'architecte-philosophe bâlois Jakob Burckhardt ne le considérait-il pas comme le plus beau clocher de la Chrétienté ou comme la « huitième merveille du monde ».
Déjà, en 1220, lorsque le duc Konrad de Zaehringen fonda la ville après y avoir - entre autres - installé un marché hebdomadaire, une église paroissiale (de style roman) s'élevait à cet endroit et saint Bernard de Clervaux y prêcha d'ailleurs la croisade. Le duc Berthold V désirait pour lui et sa dynastie un monument inposant, à l’image de l'église épiscopale de Bâle ; il fît venir à cette fin des maîtres d'œuvre bâlois. À la mort de Berthold en 1218, le transept et le chœur étaient achevés tandis qu'à l'endroit où la nouvelle nef devait s'élever, se dressait toujours la vielle église dédiée à l'époque à saint Nicolas. Après la mort du duc, les plans furent modifiés : le style gothique français triomphait en Alsace et à Strasbourg ; la cathédrale même, dont la construction avait débuté sous la marque du roman tardif, fut - à partir des années 1220 - continuée dans le nouveau style de l'époque : le gothique. La cathédrale de Fribourg-en-Brisgau est un magnifique témoignage de cette nouvelle architecture, à la fois légère et grandiose, et liée à une transformation des représentations religieuses et des mentalités.
Après des débuts quelque peu hésitants, la construction de la nef centrale commence, celles des bas-côtés est achevée en 1300 alors que les parties supérieures des travées et la voute de la nef sont terminées vers 1350. L'unique clocher, chef d'œuvre de l'architecture sacrée en Allemagne, s'appuyant sur un massif soubassement carré, se termine par la tour devenue octogonale et son clocher-flèche ajouré qui la domine. Vers 1330, le clocher unique était achevé tandis que les deux tours latérales dites tours des coqs (Hahnentürme), de la fin de l'époque romane, recevaient leur second étage de style gothique. Le monumental porche Ouest propose aux visiteurs un programme théologique particu-lièrement dense à travers ses 418 sculptures peintes (1275-1320). Rappelons ici que l'architecte-auteur de la tour de la cathédrale Notre-Dame de Fribourg - Erwin von Steinbach - est également réputé pour avoir été le concepteur de la façade Ouest de la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg.
En 1350, le chœur est reconstruit en style gothique et agrémenté d'un vaste déambulatoire cerné lui-même par 14 chapelles rayonnantes (Kapellenkranz). Vers 1370, les finances des Fribourgeois s'épuisent, les travaux s'interrompent et ne seront repris qu'en 1471. La cathédrale dédiée à présent à Notre-Dame (Unser Lieben Frau = ULF) est consacrée en 1513. En 1561, la chaire à prêcher est érigée mais ne recevra son abat-son qu'en 1785. Le premier archevêque de Fribourg y célèbrera sa première messe en 1827. La cathédrale Notre-Dame de Fribourg, pour être maintenue en bon état, est l'objet de toujours autant de soins et de préoccupations qu'autrefois. Le Münsterbau Verein e/V, structure fondée en 1890 sous l'impulsion du maire, le Dr. Otto Winterer, compte aujourd'hui plus de 5 000 membres ; elle s'occupe essentiellement - avec sa Münsterbau Hütte (atelier de travail de la pierre) - des nombreux travaux de restauration de l'édifice cultuel et supporte les coûts de la plupart des travaux.
Intéressons-nous à présent aux deux visites programmées par les organisateurs.
A - La Münsterbau Hütte [MBH] ou « atelier de travail de la pierre tendre, tel le g L'atelier de la MBH était installé jusqu'en 1890 dans une ancienne maison à colombages qui deviendra plus tard le Münsterbau Laden [MBL], magasin de vente exploité aujourd'hui par le MBV au n°30 de la Herrenstraße, à proximité quasi-immédiate de la cathédrale. L'atelier de la MBH emploie 17 ouvriers spécialisés notamment dans la taille et la sculpture de la pierre tendre, mais également dans d'autres disciplines ; l'ensemble de ce personnel est placé sous autorité d'un Bauhüttenmeister (contremaître). Les missions dévolues à cet atelier - placé sous la gouverne du MBV - sont multiples et variées : elles vont de la planification des mesures de restauration à l'exécution de toutes les inter-ventions sur le grès, roche sédimentaire tendre par excellence, de la pose à la dépose des échafaudages, à la remise en place des pièces restaurées, le choix de la pierre, donc de la carrière de provenance, etc. Dans la MBH ne travaille qu'un personnel hautement qualifié, rompu aussi bien aux techniques « d'autrefois » (transmises par un savoir-faire ancestral) qu'à celles des temps modernes (dont entre autres les sciences informatiques !). C'est ainsi, par exemple, que certaines pièces sont grossièrement prédécoupées avant leur départ de la carrière alors que certains éléments ornementaux tels que les pinacles, les galbes, les crosses et autres crochets sont - comme par le passé - renforcés par un plombage approprié. À la demande de connaître les modalités de règlement des dépenses et frais engagés par la MBH lors de travaux de restauration, notre guide nous a fait savoir que grosso modo, la participation aux frais était traitée de la manière suivante : 2/3 sont réglés à parts égales par l'archevêché de Fribourg et le Land Bade-Wurtemberg, alors que la ville de Fribourg et le Münsterbau Verein supportent chacun la moitié du 1/3 restant. Précisons que la MBH dispose depuis quelques années déjà d'un important musée lapidaire où sont conservés de remarquables collections d'outils utilisés pour les différents travaux sur la pierre, des systèmes sophistiqués de levage du matériau, de nombreux moulages de plâtre, etc. Notre guide nous a présenté une maquette (en modèle réduit) de la magnifique flèche ajourée de la cathédrale Notre-Dame avec son système métallique d'ancrage des différents éléments octogonaux qui la composent. Et comme « cerise sur le gâteau », Mme Yvonne FALLER - en remerciement pour l'intérêt insigne que les représentants de notre Amicale ont manifesté à l'adresse de son remarquable exposé durant son travail de guidage - s'est fait un plaisir non feint à nous remettre un exemplaire de l'ouvrage intitulé Hundert Jahre Freiburger Münsterbau Verein, publié à l'occasion de la commémoration, en 1990, du centenaire de la création de cette institution.
B - Les Baechle, les rues et ruelles pavées, les trottoirs à mosaïques. À leur sortie de la MBH, le groupe est convié par Mme Marlène PEVEC (guide professionnelle) pour une ballade touristico-historique à travers le vieux Fribourg, dans ses rues et ruelles tortueuses et pavées (aux trottoirs richement parés par de belles et originales mosaïques) et tout au long des célèbres caniveaux à ciel ouvert, les Baechle. Notre sympathique guide, avant de nous « embarquer », a tenu à nous délivrer la consigne de prudence suivante : « Füße heben, Koepfle senken und immer an die Baechle denken », ce qui en français doit vouloir dire « Veuillez faire attention où vous mettez les pieds. »
B.1 - Les Baechle : ces caniveaux à ciel ouvert sillonnant la vieille ville sur plus de 9 km sont, avec la cathédrale, les signes emblématiques de Fribourg. Notre guide nous raconte leur histoire : mention des Baechle est faite dès 1200, la création de la ville par les Zaehringen remontant à l'an 1120. En 1200, la cité est fortifiée et l'enceinte garnie de cinq tours-porches dont ne subsistent plus à ce jour que le Martinstor [1200] et le Schwabentor [1250]. Pouquoi ces Baechle ? À défaut de pouvoir prélever sur place (et en profondeur) l'eau à usage domestique pour l'abreuvement des animaux, pour son utilisation en cas d'incendie, pour le lavage et le nettoyage... et pour l'aération de la ville, les Fribourgeois furent contraints - au travers d'une dérivation de la rivière Dreisam à plus de 7 km en amont (à l'Est) de la ville - à l'amener sur Fribourg, à hauteur du Schwabentor. Depuis ce point le plus élevé de la cité, l'eau domestique était redistribuée soit par une rivière en direction des quartiers artisanaux occupés par les meuniers (Muller-au), les tameurs (Gerber-au), les bouchers (Metzger-au), les pêcheurs-poissoniers (Fischer-au) voire les bijoutiers-orfêvres (Edelsteinschleiffer-au), soit par un dense réseau de Baechle (caniveaux à ciel ouvert) réparti sur le restant de la vieille ville.
Concernant l'eau réservée à l'alimentation humaine, elle était amenée sur Fribourg par une canalisation (en bois) depuis des points de captage situés dans le bassin de Zarten (Zartenerbecken) dans la vallée de la Dreisam, à plus de 4 km en amont de la ville et distribuée à la population par le biais de fontaines publiques. En 1882, un nouveau réseau de distribution d'eau potable est mis en place par l'autorité municipale. Bien que n'étant plus utilisée, la plus grande partie des Baechle a été néanmoins conservée à titre touristique, comme particularité originale et emblématique de la ville.
B.2 - Les rues et ruelles pavées et les trottoirs à mosaïques. Soulignons que la totalité des rues et des ruelles du centre historique de Fribourg sont pavées (à l'ancienne) et que la circulation y est réservée aux seuls piétons (celles des tramways ayant lieu dans les artères adjacentes). Quant aux trottoirs, ils sont embellis par de nombreuses et très belles mosaïques (il y en aurait plus de 70 !) confectionnées en galets multicolores (en provenance du Rhin). Leur motifs sont soit traditionnels, soit ornementaux, soit aussi représentatifs telles les armoiries de la ville et des régions (ou des villes) liées à l'histoire de Fribourg. Sur certains trottoirs, au droit de magasins, d'échoppes voire de lieux d'hébergement (tels certains hôtels-restaurants) de splendides mosaïques immortalisent les outils traditionnels utilisés dans le corps de métier considéré.rès ». La MBH est située dans la Schoferstraße n° 4, à faible distance de la cathédrale. Notre guide sera Mme Yvonne FALLER, architecte, directrice-responsable de la MBH et membre du Münsterbau Verein [MBV] ou « Association fribourgeoise pour l'entretien de la cathédrale » dont nous avons parlé plus haut. La MBH, rattachée depuis 1890 au MBV, a une histoire plusieurs fois centenaire. Il s'agit en fait d'une fondation (Münsterfabrik / Fabrique de l'église / Fabrica ecclesiae) des nobles de Zaehringen, les créateurs en 1120 de la ville de Fribourg-en-Brisgau ainsi que les constructeurs de l'église romane d'abord (dédiée à saint Nicolas) puis de la cathédrale gothique Notre-Dame. C'est donc au bas Moyen-Âge que les corps de métiers de la Münster Fabrik ont dressé les plans puis construit cet édifice cultuel (qui deviendra cathédrale en 1513). Une fois la construction achevée c'est la MBH qui aura en charge et sa sauvegarde et son entretien.
André-Xavier HEINRICH